Interviews


[Brasil  -  Actions environnementales au Paraná]


     Le Brésil est un pays connu pour son exceptionnelle biodiversité, mais également pour les dommages environnementaux quelques fois irrémédiables qui l’affectent. Peuples indigènes,  espèces végétales et animales et ressources naturelles en sont les principales victimes.

   Sans aborder le nord du pays, car étranger à mes pas, les lignes suivantes se concentrent sur la situation écologique au sud du Brésil. Elles témoignent d’un exemple d’actions environnementales menées par Daniel Steidle, un fervent défenseur de l’environnement que nous avons eu la chance de rencontrer lors de la semaine passée dans la Pousada Marabú (état du Paraná, sud du Brésil). Cet homme d’une cinquantaine d’années, à la double nationalité suisse-brésilienne vit avec sa famille dans une ancienne ferme de café voisine. Il nous a chaleureusement accueillis chez lui le 20 décembre pour nous présenter  ses actions et les projets environnementaux au sein desquels il est impliqué.
  Nous nous sommes tout d’abord installés dans la pièce principale, meublée d’un immense cercle de sièges en tronc d’arbre et décorée d’œuvres artistiques (voir les photos).
  



   Daniel est alors arrivé avec une caisse en bois, qu’il a déposée devant nous puis qu’il a ouverte pour libérer un serpent. « Dans cette région du Brésil, les reptiles sont régulièrement tués par des personnes» commence-t-il à nous dire. Il nous a alors expliqué que la peur d’être mordu ou la fierté de tuer constituent les principales raisons de ce comportement. Pourtant, « les serpents ne sont pas dangereux et n’attaquent qu’en dernier recours pour se protéger» nous dit-il. Daniel prononce également ces mots aux classes scolaires et aux enfants qui viennent à la ferme. En effet, l’éducation environnementale est sa principale activité. Selon lui, il est essentiel de « reconnecter » les enfants (qui habitent pour certains dans les grandes villes) à l’environnement et de leur apprendre à le respecter. Ses actions sont également motivées par la volonté de sensibiliser les futures générations à la beauté et à la diversité de la nature ; en utilisant, en autres, la voie artistique comme moyen d’expression. Il prône notamment la liberté de parole et d’opinion. Ainsi, à l’aide de divers matériaux, qu’il nous a exposés : photographies, peintures, paroles, objets … Daniel met en place une pédagogie sociale et environnementale.

   De plus, à travers ses propos et ses actions (éducatives et politiques), Daniel agit et se bat contre la déforestation qui affecte son pays et plus particulièrement sa région. En effet, l’Etat du Paraná n’est pas épargné par ce phénomène et a perdu la majorité de ses forêts. A titre d’exemple, Daniel « crée » des écosystèmes naturels en laissant la végétation reprendre sa place initiale sur certaines de ses parcelles agricoles, là où nous avons relâché le serpent quelques minutes plus tard notamment. Le résultat est positif car certaines espèces animales (qui avaient quitté les lieux) ont été observées dans ces nouvelles forêts par la famille de Daniel. Ce processus nommé, en écologie, la résilience est à encourager.
   Nous avons demandé à Daniel : « Quel est ton projet actuel ? ». En ce moment, son énergie est dirigée vers l’élaboration d’un film concernant les ressources en eau. Ces dernières se trouvent dans une situation critique, notamment en raison de la déforestation. Comme il nous explique, « les arbres sont indispensables à l’infiltration de l’eau dans le sol ». Nous abordons notamment le cas de la ville Sao Paulo qui connaît actuellement une très importante pénurie de l’eau. Certains chercheurs, de l’Institut National de Recherches Spatiale par exemple, mettent en évidence le lien entre cette situation et la destruction de l’Amazonie. Selon Daniel, il faut résoudre le problème à la racine ; il prône l’utilisation des services écosystémiques des arbres pour l’eau. Pour cela, il faut reboiser certaines terres et leur donner une valeur monétaire. Cela sera un film de sensibilisation afin d’éveiller les consciences humaines.
   
De manière générale, Daniel est optimiste et espère qu’un changement conséquent va s’opérer, le plus tôt possible.


 •   Le "D" de Déforestation devrait être modifié par un "R"    

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 [ Bolivie  -  Association Inti Wara Yassi ]


 C’est au nord-est du Parc Amboró, au cœur de la Bolivie, que l’association Inti Wara Yassi a établi l’un de ses centres pour venir en aide à la faune sauvage : le parc Machia. Nous nous y sommes rendus avec curiosité et grand intérêt. Marta, ex-volontaire et aujourd’hui chargée de communication pour l’association, était là pour répondre à nos questions.



Avant de vous retranscrire l’entrevue, revenons en quelques mots sur l’historique de cette organisation environnementale, pionnière en Bolivie. Inti Wara Yasi dont le nom signifie « Soleil, étoile et lune » en Quechua, Aymara et Chiriquano-Guarani (langues indigènes), fut fondée il y a 29 ans par Juan Carlos Antezana et Tania Baltazar Lugones.  Ces derniers désiraient avant tout offrir une éducation alternative et environnementale aux enfants de la ville El Alto (au nord de la Paz). Sensibilisés au respect et à la protection de l’environnement à travers des activités de jardinage et des promenades en forêt, les enfants furent touchés par les actions destructrices de l’Homme sur la végétation et la vie sauvage. Face à cette dure réalité, le premier centre de soin (parc Machia) pour les animaux victimes du trafic illégal ou de maltraitance fut créé à proximité du parc Amboró. Quelques années plus tard, deux autres centres de soins voient le jour. Il s’agit du parc Ari situé au nord de Santa Cruz et du parc Jacj Cuisi localisé au nord de la Paz. Les lignes suivantes concernent uniquement le parc Machia.



Marta nous explique qu’actuellement une dizaine de personnes gèrent avec diligence ce centre. Ces personnes occupent divers postes : président, agents administratifs, chargés de communication, vétérinaires, cuisiniers et agents d’entretien. Le bon fonctionnement du centre repose également sur une équipe de volontaires, boliviens ou étrangers qui s’occupent des protégés de l’association.


Les pensionnaires, plus de 200 individus au total, comprennent 3 félins (puma concolor), 19 primates (notamment les singes capucins (Cebus sp.) et les singes araignées (Ateles chamek)), des coatis (Nasua nasua), des oiseaux, des tortues, des reptiles... L’association les a recueillis pour plusieurs raisons : la perte de l’habitat, la chasse ou la capture afin d’être vendus en tant qu’animaux de compagnie ou de cirque. De plus, le centre dispose d’une clinique vétérinaire qui constitue une étape nécessaire pour les rescapés blessés ou malades. Les animaux vivent dans des enclos, à l’abri des regards pour leur tranquillité, où ils reçoivent des soins quotidiens de la part des professionnels et des volontaires.

Puma (puma concolor)

Coati (Nasua nasua)

Singe araignée (Ateles chamek)

Ara (Ara chloroptera)

   Comment s’effectue le volontariat au sein du centre Machia ? Chaque volontaire choisit sa période de bénévolat ; est hébergé au centre et est en charge d’un animal en particulier ou d’un groupe (par exemple les singes capucins). Certains d’entre eux nous ont expliqué leur expérience à Machia lors d’un déjeuner végétarien et convivial au café-restaurant du centre. Ce groupe de jeunes gens, caractérisé par une diversité de nationalités, de parcours et de statuts, est animé par la même envie : agir pour la faune sauvage. Ravis de leur expérience au parc, certains prolongent leur période de volontariat ou la renouvelle par la suite. Ils nous disent que le souvenir de cette bonne action, aussi bien pour les animaux que pour l’association, perdurera dans leurs mémoires. L’équipe compte actuellement dix volontaires. Marta nous informe que cela est trop peu et que Machia a besoin de vingt-cinq bénévoles (à bons entendeurs).


   En outre, les lieux associatifs tels qu’Inti Wara Yassi sont souvent le berceau d’études scientifiques menées par des stagiaires et des chercheurs qui sont régulièrement (et respectivement) encadrés et accueillis à Machia. Les thèmes de recherche ne manquent pas : études médicales (soins vétérinaires), en éthologie (comportements, enrichissements), en écologie, en gestion d’un parc animalier, en communication scientifique, en éducation environnementale... L’ensemble de ces connaissances permet une meilleure conservation des espèces animales et démontre leur importance; par exemple pour la dispersion des graines et la reforestation.


   Loin l’idée de conserver les animaux dans les enclos ; l’un des objectifs de l’association est leur remise en liberté. Six groupes de singes (notamment les singes capucins et singes saimiri (Saimiri boliviensis)) évoluent actuellement en semi-liberté sur les 36 hectares du parc Machia, dont une partie est accessible aux visiteurs. Marta sourit en précisant que seize coatis, plus de vingt tortues et plusieurs oiseaux ont également été relâchés. Cependant, elle nous explique la difficulté des programmes de réintroduction dont le processus est long et délicat. Cela est d’autant plus vrai pour les singes en raison des relations sociales et hiérarchiques unissant les individus d’un groupe. De plus, les projets de réintroduction se heurtent à l’augmentation des trafics et de la destruction des habitats naturels. Enfin, nombre des animaux, imprégnés à l’Homme, nécessitant un suivi médical ou éjointés (oiseaux dont les extrémités des ailes ont été amputées), sont des pensionnaires de longue durée. Leur remise en liberté est malheureusement compromise… Ainsi, par manque d’espace et de moyens financiers, l’association ne n’accepte plus d’animaux ; la maison de soin Machia affiche « complet » !


   En parallèle des soins apportés à la faune sauvage, Inti Wara Yassi se donne pour mission d’éduquer les boliviens au respect de l’environnement et de la faune sauvage. Par des programmes éducatifs et des journées de sensibilisation pour tous (enfants, étudiants, adultes…), l’association désire encourager une prise de conscience afin d’enrayer le trafic d’animaux et de promouvoir la conservation de la biodiversité. En effet, par le biais de mots, d’images et d’activités ludiques (jeux, dessins, concours…), les membres de l’organisation expliquent aux générations futures les bonnes actions envers l’environnement. L’idée est de « Changer les mentalités et les mœurs par les enfants ».


   Quels sont le positionnement et l’implication du gouvernement bolivien aux côtés d’Inti Wara Yassi ? La volonté politique et le soutien financier sont bien maigres. Inti Wara Yassi perdure par les participations des volontaires,  les donations, les consommations au café, la vente de tee-shirts et de bijoux. La Bolivie est un pays en plein développement, dont la protection de l’environnement de constitue pas une priorité. En Bolivie, le trafic d’animaux est illégal depuis 1992 (loi 1333). Cependant, l’absence de contrôles et de condamnations ainsi que les bénéfices procurés par ce marché encouragent les malfaiteurs à continuer. Résultat : le nombre d’espèce en voie d’extinction progresse. Marta nous précise toutefois que de plus en plus de publicités de sensibilisation à la protection de la riche biodiversité bolivienne apparaissent sur les écrans. Il est essentiel de d’encourager ce mouvement et de porter le message d’Inti Wara Yassi en Bolivie et à travers le monde.


  Soutenez l’association Inti Wara Yassi  et/ou devenez volontaire ici : http://www.intiwarayassi.org/  •

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 [ Pérou  -  Association Cress ]


Le bureau de l’association Crees, situé à Cusco, regroupe ses membres, locaux et internationaux, et attire les curieux (que nous sommes), impatients d’en apprendre plus sur la fondation. Dans ce lieu, l’association est coordonnée et les idées nouvelles émergent. Mais hors de ces murs, Crees est une organisation de terrain ; elle agit de façon in situ au sein de la forêt tropicale du Parc national Manu (sud-est du Pérou).

De par son incroyable biodiversité, ce dernier a été reconnu en 1977 réserve de biosphère et appartient dorénavant à la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. Malgré ce statut, les menaces pesant sur sa biodiversité perdurent (déforestation, exploitation, trafic).



Afin de préserver ce « cadeau de la nature », les actions mises en place par l’association recouvrent plusieurs sphères. En effet, l’idée est de protéger de manière globale la réserve et ses « protagonistes », à savoir les espèces végétales et animales. Crees met également l’accent sur l’implication des communautés locales au sein des projets environnementaux (environ 18 000 personnes vivent sur le parc).

Jasmine, responsable du programme éducatif, nous explique que les populations ont perdu le rapport respectueux qu’elles entretenaient autrefois avec la nature. Aujourd’hui, pour subvenir à leurs besoins, elles exploitent la forêt en coupant les arbres. Cependant, les cultures intensives à la place de ces derniers « ne portent pas toujours leurs fruits » (monocultures, utilisation de produits chimiques, stérilisation des sols et dépendance financière). De plus, celles-ci sont rarement destinées à alimenter les communautés. Nous touchons l’un des enjeux de Crees : collaborer avec les populations afin de proposer et de mettre en place des solutions écologiques et durables. Concrètement, l’association accompagne les familles dans le développement de potagers biologiques et la plantation d’arbres fruitiers à proximité des habitations. Le résultat est probant ! Les familles acquièrent de l’autonomie alimentaire sans détruire la forêt et, lorsque la nature est généreuse, elles peuvent vendre le surplus au marché.
Source: Fondation Crees 




La fondation Crees travaille également au plus près des enfants, les futures générations de notre planète, par la création de programmes éducatifs. Communication, éducation, sensibilisation et respect sont les maîtres mots au centre éducatif (the Manu Learning Center). Pour les personnes prêtes à donner de leur temps, et à vivre en échange une expérience unique, Crees offre un panel de séjours pour volontaires. Au sein de cette sphère « sensibilisation », Crees propose des séjours d’écotourisme au cœur de l’Amazonie.


Source: Fondation Crees

Améliorer les connaissances par la recherche afin de mieux préserver l’Amazonie constitue une autre action de Crees. Scientifiques, chercheurs, stagiaires étudient les riches écosystèmes de Manu en collaboration avec l’association. Des programmes de recherche concernant la résilience (capacité à se régénérer) de la forêt tropicale et l’étude de sa canopée ont notamment été entrepris. Il s’agit de comparer la biodiversité au sein de forêts primaires, secondaires et dégradées. Au sein de ces milieux, la distribution et l’abondance des espèces animales (oiseaux, mammifères, amphibiens, reptiles et papillons) sont rigoureusement établies. L’association se projette et prévoit de suivre ce protocole à long terme.


[Bouillonnante d’envies, d’optimisme et d’idées, l’association Crees est à encourager, ici : Crees ]

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